La France Vent debout contre les éoliennes

Le Figaro 7 août 2018
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La France vent debout contre les éoliennes

Pêcheurs bretons, paysans normands, défenseurs du patrimoine, de l’environnement ou simplement des finances publiques, la coalition antiéolien gonfle comme un spi.

ÉDITORIAL par Bertrand de Saint Vincent

Vents contraires

Don Quichotte est de retour. Un vent de colère souffle contre les éoliennes. De l’illustrateur Philippe Dumas au président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, des voix de plus en diverses s’élèvent contre ces pylônes de plus de cent mètres de haut qui défigurent le territoire terrestre et, demain, maritime. Pêcheurs bretons, paysans normands, défenseurs du patrimoine, de l’environnement ou simplement des finances publiques, la coalition antiéolien gonfle comme un spi.

Les reproches s’accumulent : atteinte à l’intégrité des paysages et au cadre des monuments historiques, pollution sonore ou lumineuse, danger pour les oiseaux migrateurs ou la faune marine. Sans oublier l’accusation majeure : le tarif exorbitant du rachat garanti de l’électricité produite par cette forêt de mâts dont il faut souligner que les pales ne tournent que 23 % du temps en moyenne.

Quel gâchis. Quel triste chemin parcouru entre l’idée initiale, séduisante, d’utiliser la force du vent pour produire une électricité renouvelable et sa réalisation, qui fait aujourd’hui figure d’épouvantail et s’annonce comme un gouffre financier. Que d’amateurisme, d’incohérences.

Comment expliquer, par exemple, que tandis que l’on continue à enterrer les fils électriques, on parsème les champs – et bientôt les océans – de piliers coulés dans le béton dont nul ne se soucie de savoir ce qu’ils deviendront lorsqu’ils seront obsolètes ? Prodige de la technocratie. Conduite à coups de subventions et de promesses illusoires, livrée à l’air du temps et teintée de frénésie idéologique, notre politique énergétique manque de vision globale et à long terme.

Lorsque, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France fit le pari du nucléaire, ce choix fit l’unanimité et fut un succès. À l’heure où s’impose la nécessité de faire évoluer ce schéma, Emmanuel Macron, qui aime à se draper dans les habits du général de Gaulle, se doit d’en redéfinir, dans la clarté, les contours et les enjeux. Loin des « petits arrangements entre amis » et du saupoudrage arbitraire, la politique énergétique française mérite mieux que des battements d’ailes.

« Les éoliennes sont la première menace qui pèse sur les paysages français »

Propos recueillis par Eugénie Bastié

PRÉSIDENT de la société Sites et Monuments, qui se bat pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France, Alexandre Gady explique son engagement contre l’extension du parc éolien.

LE FIGARO. — Pourquoi une telle ardeur contre les éoliennes ?

Alexandre GADY.Les aérogénérateurs industriels polluants (AIP), dits « éoliennes », sont la première menace qui pèse aujourd’hui sur les paysages français. Ces machines gigantesques sont désastreuses, non seulement parce qu’elles envahissent l’horizon, mais encore parce que cet objet unique, partout et en tout lieu, banalise les paysages français dont la diversité fonde la richesse. La France, avec ses sites exceptionnels, est ainsi menacée d’être uniformément recouverte d’un objet industriel de couleur blanche au design primaire. À ce rythme, dans dix ou quinze ans, notre pays aura changé de visage. Et il sera trop tard : qui voudra payer pour les faire enlever, quand on découvrira leur nocivité ? On se retrouvera au pire avec des champs d’éoliennes rouillées, comme en Californie, au mieux avec d’énormes socles de béton enfoncés dans le sol, impossibles à éradiquer.

De nombreux paysages sont-ils déjà gâchés ?

Fin 2017, la France comptait environ 7 000 éoliennes, et il est prévu d’en construire jusqu’à 20 000 ! Des paysages entiers sont déjà profanés : je pense à la cathédrale de Coutances, dont il existe une vue célèbre où l’on voit une éolienne entre les deux tours, mais aussi à la charmante ville de Saint-Jean-d’Angély, en Charente, ou au cap Corse, à Ersa… L’appareil de l’État s’est jeté dans ­l’éolien avec une forme de dogmatisme absolu. Il est question de mettre des éoliennes face aux plages du Débarquement ou à proximité du Mont-Saint- Michel… Les promoteurs en mettraient dans la Galerie des Glaces s’il y avait du vent ! Rien ne semble arrêter ce qui est devenu un totem politique, abreuvé de subventions d’argent public. Pire, il n’y a plus moyen de négocier. Sous cet aspect, M. Emmanuel Macron est resté très « vieux monde », lui qui veut poursuivre la désastreuse politique de ses prédécesseurs.

Mais la sauvegarde de l’environnement ne doit-elle pas passer avant des considérations esthétiques ?

Voilà l’argument éculé : mettre en cause les éoliennes ferait de vous un lobbyiste du nucléaire ! L’association dont je suis président se donne certes pour objectif la défense de la beauté, pas de l’environnement. Ce qui ne signifie pas que nous ne soyons pas sensibles à la cause écologique, bien au contraire. Mais nous pensons que celle-ci ne doit pas se faire en détruisant les paysages. Une éolienne ne fonctionne qu’environ 30 % du temps et il faut près de 300 mètres cubes de béton pour fonder chaque engin ! L’éolien est un problème industriel, mais également religieux : est-ce qu’on y croit ou pas ? Étudiant la question depuis plusieurs années, je suis très sceptique sur les effets véritablement écologiques de ces machines. Si cela fonctionnait, ce serait différent, or les éoliennes ne fabriquent presque pas d’électricité – mais beau­­coup d’argent en revanche.

L’éolien en mer est-il une bonne alternative au ravage des campagnes ?

L’éolien terrestre est une catastrophe esthétique et, de plus, n’est guère efficace. En mer, il y a évidemment plus de puissance, mais pour lutter contre l’eau, il faut des engins encore plus énormes, qui nécessiteront un entretien onéreux. Je suis pour ma part convaincu que la solution passe par la biomasse et le solaire.

Comment vous mobilisez-vous contre l’extension du parc éolien ?

Nous attaquons régulièrement des projets en justice. Il y a des victoires mais aussi beaucoup d’échecs. La France est le pays où il y a le plus de recours citoyens en la matière. Les Français n’aiment pas ces machines car ils sont attachés à leurs paysages, une richesse unique et gratuite qui appartient à tous.

Le paysage fait-il partie du patrimoine culturel ?

À l’évidence ! Le problème aujourd’hui est l’existence de deux ministères qui traitent séparément de ces questions, la Culture et l’Environnement. Or, le paysage n’est pas naturel, c’est d’abord une création humaine, façonnée par des siècles de sédimentation historique. Si un paysage ne se construit pas en un jour, il est très facile en revanche de le détruire rapidement et de manière irréversible. C’est pourquoi nous réclamons depuis plusieurs années un audit sur les aérogénérateurs. Si on doit irrémédiablement changer le visage de la France, on peut bien prendre le temps d’évaluer les coûts et les profits de ces engins. Si un tel audit était mis en œuvre, on s’apercevrait sans doute que les lobbys qui sont derrière tout ce business aiment moins la nature que l’argent… Il faut donc d’urgence que le gouvernement ouvre un débat transparent !


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