Amboise : un peu de répit pour les opposants au projet éolien

Le préfet Patrice Latron a annoncé ce jeudi 19 octobre 2023 demander une expertise indépendante. © (Photo NR, Julien Proult)

Nouvelle République – Publié le 19/10/2023 à 18 : 01 | Mis à jour le 19/10/2023 à 20 : 45

Le préfet Patrice Latron a annoncé ce jeudi 19 octobre 2023 demander une expertise indépendante.
© (Photo NR, Julien Proult)

Le préfet a suspendu, jeudi 19 octobre 2023, sa signature du projet Oratorio, dans l’attente d’une nouvelle expertise sur l’impact visuel des éoliennes, prévue d’ici fin 2023.

Les opposants gagnent un peu de temps. Face à la mobilisation des tenants du « non » à l’implantation de quatre éoliennes à Auzouer-en-Touraine, le préfet Patrice Latron a annoncé jeudi 19 octobre 2023 qu’il suspendait pour quelques mois sa signature du projet dit Oratorio. Le temps que soit réalisée une expertise indépendante sur l’impact visuel réel des mats depuis le château royal d’Amboise.

Une décision prise pour prendre en compte « la contestation » et les « inquiétudes légitimes » qui s’expriment depuis quelques semaines. Même si le représentant de l’État n’a pas caché que le projet est « juridiquement mûr » et prêt à être lancé.

« Je pense qu’il faut y aller »

« Je pense qu’il faut y aller parce qu’on n’a pas d’éoliennes (en Indre-et- Loire), parce que c’est la politique du gouvernement en matière d’énergies renouvelables, parce que c’est une politique qu’attendent les Français. Je pense qu’il faut y aller, mais pas à n’importe quel prix. C’est pourquoi je suspends ma signature le temps d’une expertise paysagère conjointe », a déclaré Patrice Latron, lors d’une conférence de presse en préfecture. La décision finale était initialement prévue d’ici à la fin novembre.

Cette « tierce expertise » devrait être réalisée d’ici à la fin de l’année. L’idée est de faire monter des ballons au plus haut des éoliennes (140 m) pour « se faire une idée précise de ce que cela va représenter ».

Patrice Latron se rendra au château royal le jour où seront réalisés ces tests. « Je veux voir et après je prendrai ma décision. » La presse sera conviée. Tout comme Stéphane Bern, qui a ouvertement pris position récemment contre le projet Oratorio. « Puisque M. Bern s’intéresse au sujet, je l’invite à venir à mes côtés », a dit le préfet.

« Jamais un site n’a été désinscrit à cause de l’éolien »

Avec cette nouvelle expertise, qui fera suite à celle versée à l’enquête publique par Innergex, la société porteuse du projet, le préfet répond à une demande du Château royal, en première ligne contre les éoliennes d’Auzouer. Pour justifier leur opposition à Oratorio, Marc Métay, le directeur du château, et Stéphane Bern évoquent notamment l’impact visuel des éoliennes et la menace qu’elles représenteraient pour le classement du Val de Loire au patrimoine mondial de l’Unesco.

Un argument rejeté jeudi par le préfet, démonstration chiffrée à l’appui. Ainsi, le périmètre de sauvegarde de 15 km évoqué par les opposants relève-t-il simplement d’un « guide de bonnes pratiques » du plan de gestion du Val de Loire, mais n’est en aucun cas « une obligation », a souligné le représentant de l’État. En tout état de cause, le château royal est situé « à 15,1 km » des éoliennes, selon la préfecture.

De même, « l’Unesco explique qu’il n’y a pas d’incompatibilité de principe entre les sites inscrits au patrimoine mondial et le développement de l’éolien ». Sur les 1.157 sites inscrits au patrimoine de l’Unesco depuis 1972, seulement trois ont perdu le label. « Mais jamais un site n’a été désinscrit à cause de l’éolien. »

Les réactions

  • Marc Métay, directeur du château royal. « Je ne peux que me réjouir de la décision du préfet et que ma demande d’expertise indépendante, qui était légitime, soit prise en compte. Je reste vigilant sur la suite du projet. »
  • Guillaume Jumel, société Innergex. « On se pliera de bonne grâce au jeu des expertises complémentaires. Mais nous sommes sereins sur le fond du dossier. »
  • Daniel Labaronne. « Je remercie le préfet de son initiative de commander une expertise impartiale […] Si je suis favorable aux éoliennes, je reste opposé à l’emplacement de ce projet. »
  • Thierry Boutard : « Afin de clarifier la position de la CCVA et de la Ville d’Amboise […] un point de débat et de prise de position » sur le sujet devrait être mis « à l’ordre du jour tant du conseil municipal que du conseil communautaire. »

Rendez-vous au château

Ça pourrait être le titre d’une nouvelle émission de télé. Avec comme participants, un célèbre animateur, un directeur de monument historique, un préfet, des journalistes, des « pour », des « contres » et des « bien au contraire ». Et une épreuve : tenter de voir (ou pas), à 15 km de là, en plein hiver, des ballons censés représenter des éoliennes de 140 m de haut. Mais ce « rendez-vous au château » n’a rien d’un jeu. C’est l’ultime étape avant la validation d’un projet éolien, pourtant « modeste » par ses dimensions, selon le préfet, mais qui déclenche bien des passions. Les opposants joueront certainement leur dernière carte ce jour-là. À écouter la démonstration faite jeudi par Patrice Latron, on a l’impression qu’Oratorio, du point de vue de l’État, a le vent dans le dos. « Je pense qu’il faut y aller », a dit le préfet. Pour les éoliennes d’Auzouer-en-Touraine, en tout cas, le chemin passera d’abord par le château d’Amboise.